Naomi Watts : « Cessez de vous excuser, célébrez la vie ! » – Elle

La première fois que Naomi Watts parle de ménopause à ses deux fils, Samuel Kai et Sasha, c’est en pleine pandémie. À la faveur du confinement, elle se décide enfin à mettre en pratique une idée qui lui trotte dans la tête depuis plusieurs années : lancer une plateforme dédiée et y aborder franchement cette étape cruciale de la vie de millions de femmes à travers le monde. « Pour concevoir le projet, j’ai dû prononcer le mot “ ménopause” 7 000 fois ! Si bien qu’un jour j’ai demandé aux garçons “vous savez ce que c’est, la ménopause ?”. Mon fils aîné a répondu : “C’est pas ce qui arrive quand les dames âgées meurent ?” Je lui ai expliqué que j’étais en ménopause et que je n’étais pas en train de mourir. Du moins, pas encore… Mais sa réponse m’a interpellée. On avait commencé à leur parler de sexe à l’école, de ce qui se produit lorsque leurs hormones se développent et comment cela induit de nouvelles expériences, mais rien sur la fin du processus. Et puis mon autre fils, un peu plus au fait de ces choses-là, m’a dit : “C’est quand tu trempes le lit ? ” Alors j’ai précisé : “Oui, mon chou. Et quand tu débarques dans mon lit, je transpire encore plus.” En bref, l’une des raisons qui m’ont poussée à mener ce projet était de combler le manque d’informations sur la question. D’autant plus que la moitié de la population va vivre cette expérience à un moment donné. »

La ménopause m’est tombée dessus trop tôt

Déjà nominée deux fois aux Oscars et avec plus de 90 films à son palmarès, l’actrice de 54 ans, née en 1968 dans le Kent en Angleterre, est ainsi devenue une entrepreneuse à la tête de la marque Stripes, une ligne de beauté et de bien-être écoresponsable, axée sur la santé des femmes, dont la mission est de déstigmatiser ce sujet parfois épineux qu’est la ménopause. Depuis octobre 2022, le site donne la parole à une communauté de femmes qui entend rompre la loi du silence. « La discussion peut enfin commencer, soupire l’actrice, le fait que tant de générations aient invisibilisé ce sujet est incroyable. Mais les choses commencent à bouger. Et cela m’émeut beaucoup de faire partie du mouvement. J’ai vu trop de femmes en souffrir, tout comme moi », nous confie-t-elle. 

« La ménopause m’est tombée dessus trop tôt. La première fois que j’ai entendu le mot, c’était lorsque j’envisageais d’ avoir des enfants. Certaines analyses de sang indiquaient que j’étais peut-être sur le point d’être ménopausée, raconte l’actrice. Ma réaction a été : mon Dieu, comment est-ce possible ? Je suis finalement tombée enceinte naturellement par deux fois, mais, après mon deuxième bébé, je me suis mise à éprouver des symptômes extrêmes. Quand j’ai commencé à sonder mes amies, à essayer d’en parler avec elles, je n’obtenais que des réponses du genre “Tu te moques de moi ?”. Quand j’évoquais le sujet incidemment : “Tiens, je suis sous traitement aux oestrogènes…”, je ne récoltais que des rires nerveux. Pour moi, c’était comme si mes amies ne voulaient pas ou n’étaient pas prêtes à en parler.  Je me sentais très seule, c’était effrayant. »

Pour traiter ses symptômes, son médecin lui recommande un traitement hormonal substitutif (THS). « Ça m’a aidée contre les sueurs nocturnes et d’autres maux. J’ai alors cherché à me documenter sur la question, à lire des études, etc. Ce que je ne savais pas encore, c’est qu’il existe plus de trente symptômes associés au manque d’oestrogènes. Et puis, un jour, alors que je tournais, ma peau s’est mise à devenir sèche. Je ne comprenais pas pourquoi. Malgré le nombre de produits testés, rien à faire. Alors je me suis intéressée aux ingrédients utilisés dans ces produits et j’ai réalisé qu’ils provoquaient de mauvaises réactions. J’ai dû changer mon rituel de beauté sur-le-champ. » C’était en 2014.

De plus en plus intéressée par les produits aux formules non agressives, l’actrice s’associe alors à deux amies, Larissa Thomson et Sarah Bryden-Brown, cofondatrices d’Onda Beauty, un e-shop expérimental qui distribue des cosmétiques responsables avant d’être racheté par Amyris, une société américaine leader sur le marché des biotechnologies. « J’ai pris conscience qu’aucune marque ne s’adressait directement et spécifiquement aux femmes ménopausées, déplore-t-elle. Par exemple, voir une jeune fille de 20 ans faire la pub pour une crème hydratante me semblait une promesse intenable. C’est à ce moment-là que j’ai réfléchi à une idée plus globale, à un espace où l’on pourrait discuter, se sentir soutenues, un lieu où l’on pourrait rire, se plaindre, apprendre. Un peu comme un club. »

Stripes est devenue une extension de Naomi Watts et de son vécu. Elle reprend : « Je me suis dit que si mon expérience de la ménopause a été difficile, je ne devais pas être la seule à en souffrir. Je me suis donné pour mission de soutenir d’autres femmes et d’en changer l’histoire. » Une mission où l’humour et le naturel ne manquent pas, certains des produits vendus sur le site portent des noms volontairement ironiques comme ce lait corporel The Full Monty ou le gel vaginal You Sexy Thing… « Cette année, nous organiserons des événements au Canada, au Royaume-Uni et dans d’autres pays européens, dont l’Espagne. On a du pain sur la planche. »

Toute l’aventure serait donc partie d’un confinement, vraiment ? « On était tous sur pause et on avait plus de temps pour mûrir nos projets. Mais tout a véritablement démarré des années plus tôt, aux prémices de ma ménopause, quand j’ai songé à écrire un livre. » « Sauf que j’ai eu peur, j’ai pensé que ce serait ma fin à Hollywood, que je n’aurais plus jamais de premier rôle parce qu’une femme ménopausée n’est ni sexy ni désirable, et qu’en partageant mon expérience j’affichais moi-même ma date de péremption, ironise-t- lle. Et puis, je n’ai pas de talents d’écrivaine, même si j’ai repris confiance en moi. »

Notre cycle hormonal change, mais génère une version plus authentique de nous-mêmes

Elle poursuit : « La confiance est un sentiment avec lequel j’ai toujours dû batailler. J’ai grandi entre l’Angleterre et l’Australie, où l’on est dans la remise en question perpétuelle, où l’on s’excuse pour tout : “Désolée, je ne suis pas drôle. Désolée, je ne suis pas sexy. Désolée, je ne suis pas ceci ou cela…” C’était très difficile de changer de logiciel. Aux États-Unis, en revanche,  on cultive la confiance en soi. J’avais du retard à rattraper, constate l’actrice, mais en vieillissant on devient plus sage d’une certaine manière, on cesse de vouloir plaire à tout le monde tout le temps. Assumer ses imperfections est bien plus intéressant. Étre authentique devient essentiel. On a eu son lot de péripéties, de succès, d’échecs, on est enfin prête à être soi. Je ne cherche donc plus à être parfaite. »

Seule petite voix intérieure toujours en embuscade pour elle : « Ne sois pas ridicule. Ne fais pas ça. C’est une mauvaise idée. Tu vas pulvériser ta carrière ou cantonne-toi à ce que tu sais faire », le syndrome de l’imposteur… Elle finit malgré tout par surmonter ses craintes : « Mais le plus difficile était d’en finir avec cette idée qu’une actrice de plus de 40 ans est fichue. Ce récit est dépassé et, par ricochet, celui de la folle ménopausée aussi. » L’un des objectifs de Stripes est précisément de véhiculer ce message : « Notre cycle hormonal change, certes, mais génère une version plus authentique de nous-mêmes. Nous représentons la moitié de la population mondiale, alors n’ayons pas peur, mais soutenons-nous et célébrons-nous les unes et les autres. »

Quant au rôle de l’homme, Naomi est formelle : « Super important. Nous devons l’inclure. L’épreuve est tout aussi grande et décisive pour lui. Il faut l’interroger : t’es prêt ? Tu sais de quoi il s’agit ? Il faut dissiper le mystère, dédramatiser, il finira par proposer son aide. Cela lui donnera les clés sur la façon de se comporter quand vous traverserez une phase de déprime, aurez des bouffées de chaleur nocturnes ou que vous serez soudainement irascible. Il pourra l’anticiper, l’accepter. C’est bien plus efficace de sensibiliser tout le monde au sujet. Si nous en parlons tous, vieillir cesse d’être une tragédie. »

D’ici à 2025, un milliard de femmes seront ménopausées à travers le monde. Les années à venir laissent augurer un bel essor pour ce business. Naomi confirme : « L’espérance de vie augmente. De fait, la ménopause fera partie de nos vies sur la durée. » L’environnement est d’ailleurs une autre des grandes préoccupations de l’actrice. « C’est drôle, j’ai toujours pris ce sujet très à coeur. Enfants, mon frère et moi passions du temps avec notre grand-mère. Elle a vécu la Seconde Guerre mondiale, elle était donc très préoccupée par le fait de ne rien gaspiller. Elle ne jetait rien, elle trouvait toujours une façon de réutiliser ! C’est dans mon ADN : éteindre les lumières, fermer les portes pour conserver la chaleur, recycler… Il est crucial de prendre ce sujet très au sérieux, afin de laisser une planète habitable pour ceux qui nous succéderont. En plus d’utiliser des ingrédients d’origine bio, chez Stripes, ne rien gaspiller figure dans la liste de nos priorités. »

Entourez-vous de ces femmes incroyables prêtes à parler vrai

Sur son avenir et celui de ses enfants, l’actrice continue d’être sereine : « J’apprends beaucoup à leurs côtés, admet-elle. En ce moment, je gère l’adolescence, très instructif, notamment sur les nouvelles tendances… Et l’art d’être patient, empathique… Mais ce qui m’étonne le plus, c’est de voir comment ils absorbent tout à cet âge. Je suis fascinée par leurs cerveaux, si flexibles, si réceptifs. Je les envie, car on sait que l’un des grands symptômes de la ménopause est que la mémoire en pâtit. J’adorerais retrouver cette vivacité d’esprit. »

Jeune, Naomi Watts l’aura été longtemps. Actrice aussi. Ce qui interroge sur son rapport au temps qui passe : « J’ai l’impression d’apprendre à me connaître mieux, nous rassure-t- elle, de parvenir à façonner une version meilleure de ma personne et, mis à part les hormones qui jouent sur l’humeur ou jouent parfois des tours, je me sens plus connectée avec moi-même. Et plus apaisée ! » Enfin libérée de ces satanées normes sociales qui décrètent la femme toujours trop vieille ou trop jeune ou trop grosse ou trop maigre, Naomi Watts ? « J’ai connu cela très tôt, et dans mes jeunes années, à Hollywood, j’avais du mal à gérer. Savoir qui j’étais et où j’allais. Je pense que cela m’a conduite à essayer de me façonner pour coller aux injonctions et répondre aux standards. Jusqu’à ce que je rencontre  David Lynch [Naomi Watts a fait ses débuts au cinéma avec “ Mulholland Drive”, en 2001, ndlr]. Il a su regarder par-delà les apparences et a eu l’intuition qu’il y avait quelque chose à creuser. C’est à ce moment-là que j’ai su que ça valait le coup, et depuis, j’ai l’impression d’avoir eu beaucoup de chance. Mais là, ça devient ennuyeux… » s’excuse-t-elle. Aux femmes en préménopause ou bientôt ménopausées, Naomi a envie de donner un mot d’ordre : « Trouvez votre communauté et appuyez-vous sur elle. Cessez de vous excuser, célébrez la vie. Et entourez-vous de ces femmes incroyables prêtes à parler vrai. Avec un peu de chance, ma génération sera la dernière à se taire sur le sujet. »

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Naomi Watts : « Cessez de vous excuser, célébrez la vie ! » – Elle