On dirait que, pour Emily Benetto, le châtiment est venu avant le crime. Graphiste de talent, la jeune femme survit à Los Angeles, où elle livre des repas à des particuliers ou des entreprises. Elle vit en colocation et ce qu’elle gagne suffit à peine à couvrir les intérêts de son prêt étudiant. Lors des entretiens d’embauche qu’elle continue de passer, après les politesses d’usage, une condamnation pour agression finit toujours par resurgir, puisque les employeurs potentiels ont accès à son casier judiciaire.
Ce que dessinent John Patton Ford, qui réalise son premier long-métrage avec une assurance et une économie de moyens impressionnantes, et Aubrey Plaza, qui façonne le personnage d’Emily et a également produit le film, tient du portrait, de la fresque et du thriller. Le passage de la protagoniste hors la loi évoque parfois les trajectoires catastrophiques des personnages des frères Safdie (Good Time, Uncut Gems), à ceci près que le désordre des paroxysmes new-yorkais est remplacé par une mécanique plus lente (question de distances, Los Angeles est infiniment plus vaste, et de climat, aussi, immuable) mais tout aussi implacable.
Emily passe dans l’autre monde lorsqu’un collègue serviable lui donne le contact d’un employeur qui peut lui faire gagner 200 dollars en un après-midi. Rendez-vous pris, elle découvre une session de formation express animée par Youcef (Theo Rossi), jeune homme qui respire la gentillesse tout au long de cette initiation à l’usurpation d’identité avec des cartes de crédit dont les numéros ont été capturés sur Internet.
Il s’agit tout bêtement d’acheter les biens de consommation avec ces instruments de paiement qui, en apparence, présentent toutes les garanties et de les apporter à leur commanditaire. L’assurance d’Emily, son impassibilité et ses talents d’improvisatrice font d’elle une candidate idéale pour le poste. Le scénario (de John Patton Ford) détaille minutieusement aussi bien la technique criminelle que les moments où la mécanique se grippe. La rigueur, à la limite de la froideur, de la mise en scène n’empêche pas les poussées d’adrénaline. Dans ces moments, Aubrey Plaza est obligée de laisser deviner ce qui meut son personnage, une colère inépuisable contre le monde qui la pousse dans un cul-de-sac.
Violence latente
Aux confrontations avec les clients et les fournisseurs qui souvent tentent de revenir sur les termes du contrat répondent les tentatives d’Emily pour approcher enfin du but qu’elle s’était initialement fixé : un emploi rémunéré dans un studio graphique. Son duo avec Alice (Gina Gershon), la patronne de sa meilleure amie, met en pièces ce système qui veut que, pour exercer un métier intéressant, il faut d’abord le pratiquer gratuitement.
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« Emily, criminelle malgré elle », sur Canal+ : Aubrey Plaza en hors-la-loi du XXIᵉ siècle