Die Hard Trilogy : une triple dose de Bruce Willis pour PlayStation

En 1996, Probe Entertainment a adapté la trilogie de films Die Hard dans Die Hard Trilogy sur PS1, Saturn et PC, dans une brochette de jeu éloge de la destruction massive.

En trois films, Piège de cristal, 58 minutes pour vivre et Une Journée en enfer, John McClane est devenu une icône indétrônable du cinéma d’action hardboiled. Flic bourru, entêté, qui s’en prend plein la face et qui finit en sang et couvert d’hématome, Mcclane avait tout pour poursuivre sa carrière en tant que héros de jeu vidéo.

Sa trajectoire vidéoludique aurait pu prendre son envol avec Die Hard en 1990 sur NES, mais malheureusement, la première incursion de McClane sur console avait tout de l’étron pixellisé. Le produit développé par les Japonais de Pack-In-Video était un jeu d’action vu du dessus qui avait emprunté le pire du shoot’em up et du jeu d’exploration pour en faire un carnage injouable qui aura été la source de haine de bien des joueurs.

 

Dis-moi des choses sales…. – Die Hard sur NES…”

 

Il faudra attendre 1995 pour que Fox Interactive, bien décidé à surfer sur le succès annoncé de Une journée en enfer, et à se faire de l’argent facile en exploitant une licence porteuse, ne se décide à relancer un projet d’adaptation de la saga Die Hard. Un projet qui a été confié à Probe Entertainment, les esthètes qui produisaient alors le futur hit Alien Trilogy.

Pour l’adaptation de la trilogie Die Hard, le studio Probe a accouché d’un ovni vidéoludique, un jeu à trois facettes très différentes, mais tout à la fois régressives, bêtes et méchantes, et garanties de fun instantané, le tout doublé d’une merveilleuse escroquerie de Probe envers Fox Interactive. Retour sur Die Hard Trilogy

 

Die Hard Trilogy : photoYippee Ki-Yay motherf***er

 

3 pour le prix d’un

Alors que Alien Trilogy conservait un gameplay FPS pour offrir une traversée des lieux emblématiques de la trilogie du xénomorphe, Die Hard Trilogy avait pour particularité de proposer trois types de gameplay et trois styles de jeu différents, chacun d’entre eux représentant l’un des films de la saga créée par John McTiernan. 

Un énorme pari qui avait pour but d’éviter la lassitude chez les joueurs, en offrant trois jeux très différents rassemblés sur la même galette, un véritable exploit technique pour un jeu PlayStation 1 datant de 1996. Les concepteurs avaient choisi de se baser sur les séquences les plus marquantes de chaque film afin de construire chacun des jeux.

À peine le jeu lancé, le joueur pouvait donc choisir entre trois destinations dans lesquelles il allait incarner McClane : Die Hard (Piège de Cristal) symbolisé par le Nakatomi Plaza, Die Harder (58 minutes pour vivre), représenté par un avion de ligne, et Die Hard with a Vengeance (Une journée en enfer), matérialisé par un taxi jaune typiquement new-yorkais.

 

Die Hard Trilogy : photoTop gun (littéralement)

 

Pour Die Hard, Probe Entertainment a opté pour un jeu de tir en vue à la troisième personne. Prenant ses distances avec le scénario du film, ce volet imposait au joueur de devoir grimper du rez-de-chaussée du Nakatomi Plaza jusqu’au 35e étage. Chaque niveau consistait à secourir des étages en éliminant des terroristes, puis à se précipiter vers l’ascenseur pour désamorcer une bombe avant de passer à l’étage supérieur. 

Die Harder proposait un rail shooter dans la pure tradition des salles d’arcade dans la veine d’un Time Crisis ou d’un Virtua Cop avec une vue à la première personne. Ce volet avait la particularité d’être jouable avec le GunCon, un pistolet optique permettant de tirer sur l’écran pour éliminer les ennemis. Neuf niveaux différents emmenaient les joueurs à travers les décors du film : l’aéroport, l’église, l’assaut en motoneige…

Enfin, Die Hard with a Vengeance était un jeu de course en pleine ville. Inspiré du jeu “Simon says” auquel se livre Gruber dans le film, le but est de foncer à toute allure d’un point à l’autre de la ville pour réussir à atteindre des bombes et les désamorcer avant qu’elles n’explosent. Tout cela en étant sous pression, car une limite de temps particulièrement sévère limitait chaque intervention.  

  

Die Hard Trilogy : photoLe bonheur des publicités de jeux des années 90

 

L’amour du risque

Au départ, Probe Entertainment n’avait pas prévu de produire un trois-jeux-en-un. Fox Interactive avait déjà contacté le studio pour mettre en chantier Alien Trilogy, et les sollicita une nouvelle fois pour l’adaptation de Une journée en enfer, qui devait être au départ une exclusivité PlayStation. Le premier segment développé par Probe fut donc celui consacré à Die Hard with a Vengeance. Cependant, la première présentation du jeu n’a pas fait l’unanimité.

Les cadres de la Fox ont trouvé le jeu trop pauvre, et ont souhaité que le titre fasse le lien avec les autres films, ce qui a poussé Probe à réviser sa copie et à entamer la réalisation de deux autres segments. En réalité, le plus gros de l’équipe de Probe était affairé à finir la conception d’Alien Trilogy. Alors que la Fox s’imaginait que l’équipe dernière Alien s’affairait également sur Die Hard, c’était en fait une équipe réduite, essentiellement composée de nouveaux embauchés, dont la plupart n’avaient jamais travaillé sur des stations de développement PlayStation.

 

Die Hard Trilogy : photoTaxi Driver

 

L’essentiel des forces vives de Probe Entertainment étant dédié à Alien Trilogy, c’était donc une équipe de débutants, pour la plupart inexpérimenté dans le domaine de la conception de jeux en 3D qui a dû réaliser Die Hard Trilogy. À la tête de cette équipe, deux hommes ont eu pour lourde tâche de mener ce projet à bien : Simon Pick, programmeur principal et game designer, et Dennis Gustafsson, directeur artistique. Ceux-ci n’ont eu que 18 mois pour concevoir le jeu complet.

Dans une interview donnée au magazine Edge, Pick et Gustafsson expliquent qu’ils naviguaient à l’aveugle, et n’avaient pas les compétences nécessaires pour créer un jeu en 3D :

“Nous étions assis dans une pièce et Fergus [McGovern, fondateur de Probe] est entré pour nous dire que nous avions la licence Die Hard. Il nous a demandé ce que nous pensions pouvoir en faire. Aucun d’entre nous n’a vraiment compris ce qu’impliquait la création d’un jeu en 3D ; nous avions tous écrit des jeux basés sur des sprites 2D. Nous avions reçu une PlayStation environ un an avant sa sortie. Nous n’avions pas vu d’autres titres et nous n’avions vraiment aucune idée de ce à quoi nous étions confrontés à ce moment-là. C’était vraiment effrayant.”

 

Die Hard Trilogy : photoAmbiance dans les bureaux de Probe lors du développement

 

Y aller à l’instinct

Leur seule et unique voie de sortie a alors été de tout faire à l’instinct. Die Hard Trilogy s’est bâtie sur un ensemble d’idées mises bout à bout. Simon Pick a déclaré à gamingbible.co.uk que toutes les idées qui leur paraissaient “cools” étaient systématiquement incluses dans le jeu, sans autre critère qu’il fallait que ce soit fun. 

C’est un grand fouillis confus d’un million d’idées que nous avons poussées ensemble en croisant les doigts. Je me demande également s’il serait possible de s’en sortir avec certaines des choses qui sont dans le jeu – renverser des piétons et éclabousser le pare-brise de sang ne me semble même plus légèrement amusant.

 

Die Hard Trilogy : photoL‘une des riches idées de Simon Pick

 

Pick et Gustafsson écrivaient la bible de développement au fil de l’eau, y ajoutant toutes les idées possibles et imaginables au fur et à mesure, tout en déclarant à la Fox qu’ils savaient exactement ce qu’ils faisaient. À cela s’ajoutaient des délais de conceptions que l’équipe avait du mal à gérer, car la Fox souhaitait impérativement lancer le jeu pour les fêtes de Noël 1996. James Duncan, le responsable de la modélisation 3D du monde avait 19 ans lors du développement, et il a déclaré à Edge que malgré l’ambiance débridée, les problèmes ont rapidement surgi :

“On pouvait mettre tout ce qu’on voulait [dans le jeu]. C’était libérateur. Nous attendions que quelqu’un nous arrête, nous oblige à baisser le ton. Personne ne l’a fait, et tandis que l’équipe augmentait le quotient de carnage, un manque d’expérience et un manque de ressources ont commencé à mordre du côté technique.”

Alors que l’approche totalement aléatoire de presque tous les aspects de la production aurait dû finir en désastre complet, contre toute attente, voire en dépit du bon sens, Die Hard Trilogy est devenu un succès critique et commercial.

 

Die Hard Trilogy : photoUne des rares photos d’une des stations de développement de Die Hard Trilogy

 

éloge du Bourrinage élevé au rang d’art

Die Hard Trilogy pourrait presque passer pour production vidéoludique Michael Bay. Tout va trop loin. Le fait que toutes les idées des développeurs se soient retrouvées dans le jeu saute aux yeux une fois manette en main. Un exemple : tout prend feu. Les oiseaux prennent feu, les piétons prennent feu, les policiers, les taxis, les terroristes… Tout peut s’enflammer et exploser, dans une orgie de pyrotechnie polygonale débilo-jouissive.

Contrairement aux blockbusters sortis en 1996, comme Resident Evil, Tomb Raider, ou Diablo qui se prenaient très au sérieux, Die Hard Trilogy a lâché les chevaux, et prenait des allures de foire grand-guignolesque qui ne s’encombre pas d’un scénario et ne recherche qu’une seule chose : le fun à l’état pur. Quel que soit le segment parcouru, le but est simple : foncer dans le tas et tout faire exploser.

 

Die Hard Trilogy : photoUn jeu validé par la NRA

 

Les jeux ne faisaient pas la moindre mention à un quelconque scénario, et jetaient les joueurs dans l’arène avec pour seule récompense finale la possibilité d’inscrire ses initiales à un tableau de score, comme pour un jeu sur borne d’arcade. Die Hard poussait le joueur à canarder tout ce qui bougeait. Die Harder permettait de tirer à vue sur tout et tout le monde, pauvres innocents compris, avec pour seule pénalité un score qui diminue. Une section encore plus jouissive pour qui possédait un GunCon.

Quant à Die Hard with a Vengeance, c’était un vrai Carmageddon dans New York, gerbes de sang des piétons sur le pare-brise incluses. Die Hard Trilogy était un vrai plaisir brutal cathartique au possible. Un énorme délice sanglant régressif à souhait, qui a été interdit en Allemagne en raison d’une violence excessive. Le jeu a aussi été pris pour cible par les associations de parents qui y voyaient une apologie de la violence gratuite. Apparemment, écraser des piétons innocents peut être mal interprété sous certaines latitudes.

 

Die Hard Trilogy : photoLa morale est sauve : il dit “Whoops” quand il tue un otage

 

Maintenant j’ai une mitraillette, how how how !

En fin de développement, les cadres de la société Fox étaient si sûrs du potentiel de leur titre qu’ils ont demandé à ce que Die Hard Trilogy soit adapté sur Saturn et PC par les équipes de Probe. Avec près de 2 millions de ventes, dont 1,54 million d’exemplaires vendus sur PS1, le jeu a été un grand succès. Et ce fut la seule réussite vidéoludique pour la saga Die Hard

En 1997, la Saturn a accueilli le très médiocre beat’em up 3D Die Hard Arcade, simple reskin du jeu d’arcade Dynamite Deka, que Sega a transformé en Die Hard suite à un accord avec la Fox. Une suite à Die Hard Trilogy a été mise en chantier quelques années plus tard, que Fox Interactive a confié à N-Space, le studio responsable de l’ignoble Duke Nukem : Time to Kill

 

Die Hard Trilogy : photoLa version Saturn ne pouvait pas gérer les effets de transparence de la version PS1

 

Ce nouveau volet, intitulé Die Hard Trilogy : Viva Las Vegas, reprenait tel quel la structure de son aîné, en y ajoutant un pseudo scénario original pour justifier d’un jeu de destruction massive à Las Vegas. Mais ce clone nanardesque n’avait ni le fun ni l’énergie de son prédécesseur, et fut vite oublié. En 2002, le pitoyable Die Hard Vendetta sur GameCube n’a pas fait mieux, en proposant un TPS mou et sans saveur. La même année, les joueurs PC subissaient Die Hard : Nakatomi Plaza, un FPS triste à pleurer, aussi moche qu’injouable.

Alors que les licences cultes des 80’s et 90’s ont le vent en poupe, avec les futures adaptations de RoboCop : Rogue City et du survival dans l’univers de Terminator en développement chez Nacon, il est possible d’espérer un jour le retour tout en pixels de John McClane. Reste à espérer que s’il revient sur consoles et PC, ce soit pour un titre au moins aussi fou que Die Hard Trilogy.

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Die Hard Trilogy : une triple dose de Bruce Willis pour PlayStation