La grève des scénaristes et des réalisateurs d’Hollywood n’empêche pas le TIFF d’accueillir d’importantes premières mondiales de films promis au succès. C’est le cas de Lee, sur la photographe de guerre Lee Miller, dont le rôle principal est joué par l’actrice Kate Winslet. Le film a été généralement bien accueilli par les festivaliers où il a été vu comme une production susceptible de valoir à l’actrice principale un nouvelle nomination aux Oscars l’an prochain.
Lee est le premier long-métrage d’Ellen Kuras qui s’est distinguée jusque-là comme directrice de la photographie auprès de grands réalisateurs, de Michel Gondry à Spike Lee. Ce n’est donc pas une surprise qu’elle ait choisi de raconter l’histoire de l’une des plus célèbres personnalités féminines du photojournalisme dans cette nouvelle étape de sa carrière.
Une figure historique
Lee Miller s’est illustrée par son travail pendant la Deuxième Guerre mondiale pour l’édition britannique du magazine Vogue. Elle a été l’une des premières à capturer des images des camps de la mort aux côtés de son acolyte rencontré à Londres, le photographe David Scherman du magazine Life.
Le film ne s’intéresse pas à la première partie de la vie de Lee, où elle a été notamment mannequin à New York et élève de Man Ray. On la découvre quelques mois avant la guerre dans une France insouciante où elle fréquente Paul Éluard, son épouse (Noémie Merlant), et Solange D’Ayen (Marion Cotillard), directrice de la publication de Vogue en France. On la voit déjeuner à l’extérieur les seins nus et profiter de tous les plaisirs offerts par la plage et le soleil.
Sous les traits de Kate Winslet, Lee est une femme dure, cassante et incisive dans ses moments de dialogue. Elle est directe dans ses rapports avec les autres et quand elle n’a pas les mains prises par son appareil photo, ses doigts sont occupés avec une cigarette.
L’actrice Kate Winslet interprète le rôle principal dans« Lee ».
Photo : Getty Images / C Flanigan
En lutte contre le machisme
Alors que la guerre éclate, son caractère la pousse à lutter pour accéder aux espaces interdits aux femmes. Elle se bat avec la hiérarchie militaire pour aller au front et rejette de toutes ses forces les barrières du machisme.
Elle immortalise d’abord Londres sous les bombes, puis les blessés en Normandie avant de participer à certaines batailles où elle est acceptée pour ses qualités d’interprète. Elle finit son parcours en étant sur place lors de la découverte des camps d’extermination et ses clichés pris à cette occasion sont encore aujourd’hui parmi les plus célèbres.
On assiste d’ailleurs au combat de Lee pour faire connaître ces images, alors que les journaux préfèrent insister sur l’allégresse de la fin de la guerre. On comprend à la fin du film que sa lutte pour la vérité est le résultat d’une blessure d’enfance qu’on lui a demandé de taire. Un silence dont elle ne s’est jamais remise.
À travers le film, Ellen Kuras met l’indicible en image. Les passages dans les camps de la mort sont quasiment exempts de dialogue. Quand on n’a pas les mots, il reste les images. Comme celle que Lee Miller prend d’elle dans la salle de bain d’Hitler, seul endroit qu’on a bien voulu lui indiquer après des semaines sans se laver.
Jusqu’au bout de l’horreur
Mais à passer sa vie à explorer toujours plus loin dans l’horreur, on ne peut pas en revenir indemne. C’est ainsi que Kate Winslet joue une héroïne de plus en plus en proie à des démons qui la tourmentent.
Elle sombre dans alcoolisme, dépression et comportements autodestructeurs. Le film met aussi en perspective son rapport avec son fils, qu’elle a eu après la fin de la guerre et qui a dû se construire avec une mère détruite comme l’ont été Londres et Berlin.
Avec Lee, on continue de revisiter le conflit le plus meurtrier de l’histoire. Un affrontement en forme d’avertissement alors que le monde connaît plusieurs guerres un peu partout sur la planète. Les sirènes d’alerte qui résonnent dans Lee sont de 1944, mais aujourd’hui, elle font toujours le même bruit.
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Chronique | Kate Winslet incarne la photographe Lee Miller dans les affres de la guerre | Festival international du film de Toronto 2023